Fulgence Girard – sa vie

De son nom complet Pierre Fulgence Girard, il était avocat, homme de lettres, défenseur des accusés d’avril, directeur de journaux littéraires, secrétaire de la société archéologique d’Avranches, historien, écrivain, chroniqueur, homme politique, entrepreneur, poète, romancier… Né le 21 septembre 1807 à Granville, décédé le 10 avril 1873 de 65 ans à Bacilly où il est inhumé. Il a habité Granville, Paris, Avranches, Brouains, Bacilly.

Comment résumer une vie d’homme aussi prolifique et diversifiée en une page web ?



Repères généalogiques

Blason dextrochère de la ville de Granville
Haute-Ville de Granville au début du XVIIIe siècle. Nous avons pointé sur cette carte un peu plus ancienne que lui, la maison de naissance de Girard (source Archives départementales de la Manche).
Son père Nicolas Antoine Girard dit Le Jeune (1771-1835)

Sa mère Rosalie La Houssaye (1775-1865)
Il naît le 21 septembre 1807 au 29 rue Saint-Jean à Granville. Ses parents sont Nicolas Antoine Le Jeune Girard (1771–1835) et Rosalie La Houssaye (1775–1865), tous deux issus de familles de marins ou armateurs, depuis des générations. Le Jeune Girard, capitaine au long cours partage sa vie de marin entre la pêche à Terre-Neuve, la navigation dans la marine d’État et la course. Par trois fois il connaît les prisons anglaises et se trouvera éloigné de sa femme et de ses enfants pendant plus de quatre années.

Fulgence est donc baigné dans le monde maritime. Vers 8–9 ans, il assiste à la mise à l’eau d’un navire armé par son père, et dont il est le parain : la Marie, évènement qui le marquera fortement (il donnera même ce nom au bateau du chapitre 1 de son récit Gaud le bon ami).

Devenu adulte, Girard épouse à Avranches le 3 février 1836, Adrienne Julie Desfeux (1817–1865). Il a 29 ans, elle en a 19, son père est notaire à Sartilly.

Fulgence et Adrienne auront quatre filles :


Sa sœur Rose (1802-1846)

Son neveu Mgr Deschamps du Manoir
Fulgence a un sœur : Rose (1802-1846), qui épouse Joseph Deschamps du Manoir (1796-1871). Leur fils Joseph Marie deviendra prélat de la maison du pape (Mgr Deschamps du Manoir).

Liens généalogiques :

Avec sa famille, il habite La Broise, une propriété familiale à Bacilly mais fait de fréquents déplacements à Paris.
Il perd son épouse le 14 mars 1865 ; elle a 42 ans et leur dernière fille Inès n’a que 10 ans.
Fulgence s’éteint à la Broise le 10 avril 1873 à près de 66 ans. Il reposera avec son épouse dans le cimetière de Bacilly.

Ses études

Il s’oriente vers une carrière juridique. Étudiant en droit à Cean et Paris, il rencontre Sambuc, Plocque et Blanqui au Quartier latin. Il participe à l’agitation du début de la Monarchie de juillet. Une nuit qu’il est en fuite, Alexandre Dumas l’héberge. Il faut croire que son agitation n’est pas bénigne, car en 1831 (le 22/01), le Conseil académique de Paris l’exclut pour deux inscriptions. Après un doctorat en droit, il devient avocat inscrit au barreau d’Avranches.

Girard littérateur

Pour sa biblioraphie, voir le chapitre Son œuvre.

C’est en 1832 que nous retrouvons son nom pour la première fois dans un Keepsake (Keepsake breton), un recueil de 40 poèmes de 21 différents auteurs, édité au profit des pauvres. Il contribue à partir de là à plusieurs ouvrages dont les plus remarquables sont Les personnalités, appréciation critique des contemporains, des portraits dont certains au vitriols de personnes aussi puissants que Thiers ou Lafayette.


C’est au début du XIXe siècle que les activités d’éditeur et de libraire se séparent. Avant cela, les libraires achetaient les manuscrits aux auteurs, les faisant imprimer et les débitaient dans leur boutique. Cette gravure représente les magasins de la Librairie Nouvelle, qui est éditeur de la revue Le Monde illustré où écrit Girard. Cliquez ici pour en savoir plus.
Journal d’Avranches : Ce journal était installé depuis sa création le 02 juillet 1837 au n°8 de la rue des Fossés et du Tripot à Avranches où se trouvai aussi l’imprimerie Tolstain qui le publiait. En novembre 1855, le journal est transporté au n°6 rue des Fontaines-Couvertes. En février 1868, Mariantine Bazire Vve Tribouillard, réunit son journal L’Avranchin avec le Journal d’Avranches. Girard est à un moment directeur et principal contributeur du Journal d’Avranches. Ce journal lui sert de tribune pour critiquer le régime que la Monarchie de Juillet fait subir des prisoniers politiques républicains au Mont-Saint-Michel, dont il a plusieurs amis, et client (en tant qu’avocat). Voir plus loin Girard et les républicains sociaux.
Le Navigateur : “journal des naufrages et des autres événements nautiques” édité au Havre par une “société de marins” entre 1829 et 1833 puis entre 1834 et 1838 (nouvelle série). Édouard Corbière, le « père du roman maritime en France » y écrit de nombreux articles et même en dirige un temps la rédaction. Ce périodique deviendra par la suite la Revue maritime, absorbée elle-même par Le Journal de la marine : revue des voyages.

Pour en savoir plus, je vous renvois à cet article de Jean-Pierre Robinchon publié dans Jeune Marine, n°100 : « Les Précurseurs de “Jeune Marine” » (03/1992). [sur le site de la revue].

Les cours de géographie de Girard : dans « Mont-Saint-Michel - un drame sur les grèves », il commence par décrire avec précision le mont, la flore, l’économie, la géologie, les oiseaux, coquillages et autres animaux (dont une certaine coque-cigrue), les dangers de la baie. Ce dernier point lui servant de transition, il narre ensuite une histoire d’amour contrarié et d’intrigue politique qui vire au drame (les personnages sont Marguerite Le Baffle, Pierre Edom, Jacques Dubos et… la marée).
Dans « Mœurs des populations maritimes », il fait la description des mentalités des côtiers : ils connaissent excellemment bien leur Histoire locale. Il ne nous fait pas grâce de leur constitution (anatomie), jusqu’au point de dire de ces femmes qu’elles sont “généralement bien faites” mais qu’elles ont “peu de développement des muscles mammaires”.
La partie descriptive de ce texte, il la réutilisera dans l’introduction du recueil de nouvelles Sur nos grèves.

Nous avons donc des cours de géographie dans ses récits, et des histoires dans ses documentaires. Son projet littéraire transparaît à travers ces exemples, et il le précise d’ailleurs lui-même : pour faire connaître ces mœurs, il faut les mettre en fiction.

C’est à peu près à cette époque là qu’il est publié dans de nombreuses revues, où il exerce parfoir un rôle de direction. Il sera directeur et principal contributeur du Journal d’Avranches, un des rédacteurs principaux au Navigateur. En 1834, il écrit dans la revue La France Maritime, fondée cette année là par Amédée Gréhan et Jules Lecomte. Son talent pour les récits de naufrage et autres drames nautiques a fait dire à Jules Vallès qu’il était son « tempêtard favori ». Son père était corsaire (« Le Jeune » Girard) et nombre de ses ancêtres et co-latéraux étaient aussi ncorsaires ou armateurs ; il n’aura pas eu loin à chercher pour nourrir sa plume.

C’est à cette date (1835) que nous trouvons son premier vrai livre, un roman en 2 volumes : Deux Martyrs publié à Paris chez Hippolyte Souverain. Il écrira plusieurs récits jusqu’en 1861, que nous retrouvons soit en livre, soit en feuilleton ou en nouvelle dans des périodiques : Gaud, le bon ami (ca 1834), Berthe la maréieuse (ca 1834), Deux Martyrs (1835), Marceline Vauvert (1837), Maître Blanchard le douanier (1840), Loïk l’enfant des côtes (1840), L’Engrenage (ca 1855), Un corsaire sous l’Empire (1857), Giulia Falcom (18xx).

Ces histoires se passent souvent « sur nos grèves », c’est à dire sur les grèves du nord de Bretagne et de Basse-Normandie. Il y dépeint dans une langue riche et expressive ces régions où il est né et ces gens de mer qu’il connaît bien. Ses descriptions de Mœurs maritimes, comme il dit, frisent la description sociologique, voire ethnologique. Dans ses essais et textes documentaires (La France Maritime, Chroniques de la Marine française), il ne manque pas une occasion d’instruire le lecteur en y glissant ses descriptions du pays (géographie, géologie, Histoire) et du peuple de ces côtes.

Il n’est pas rare de retrouver la même histoire publiée plusieurs fois, avec des variantes ; ainsi des mélanges de réalité et de fiction, et nous pensons qu’il se trouve encore des nouvelles ou romans inconnus de nous, publiés sous forme de feuilleton dans les revues de l’époque.

Toujours à la même époque, il entame avec son ami Jules Lecomte, qui est alors plus célèbre que lui, un ouvrage considérable visant à couvrir l’histoire de la marine de 1789 à 1830 : Chroniques de la marine française. Jules Lecomte se retire rapidement du projet, trop prenant, mais reste à la signature pour faire profiter le livre de sa renomée. Le premier volume parait en 1836 et Girard y déploie ses talents d’historien sur 5 tomes, suivis de rééditions et d’une suite en feuilleton dans le quotidien Le Siècle (à partir de 1850).

Entre temps, il n’écrira pas moins de sept livres d’Histoire : Annuaire d’Avranches (1842), Histoire géologique (…) du Mont-Saint-Michel (1843), Histoire du Mont-Saint-Michel, comme prison d’État (1849), Histoire de la révolution de 1848, Mystères du grand monde, Histoire (…) de la guerre d’Italie (1859), L’Histoire du Second Empire (1861). [j’ai raccourci les titres pour clarté, Cf ici pour la liste de ses écrits]. Chaque livre pouvant s’étendre sur plusieurs tomes, la somme est considérable (en 1848, Girard recense 18  volumes écrits sous l’empire des doctrines démocratiques.)

Sous le second Empire, Girard est un chroniqueur rafiné. Il est publié hebdomadairement dans Le Monde Illustré. Il y écrit dans tous les domaines : mondanités, drames de l’actualité, critiques artistiques en lettres ou architecture, nécrologie, reportages, y compris de contrées lointaines. Ses reportages s’émaillent toujours d’un enrichissement culturel et va chercher dans l’Histoire et la Géographie les racines des événements ou lieux dont il parle.
Au fil de ces pages, on rencontre parmi ses voisins de plume les écrivains Alexandre Dumas (père) et George Sand, le musicien Hector Berlioz. À partir du second semestre 1858, ses récits d’événements lointains sont titrés Chronique de la province et de l’étranger.
On le retrouve en feuilleton dans Le Siècle, pour ses chroniques historiques on ses fictions.

Girard historien

Comme nous l’avons vu plus haut, lorsque Girard écrit autre chose que des fictions, il fait des livres d’Histoire. Il commence avec les Chroniques de la marine française, puis publiera sept autres livres d’Histoire : Annuaire d’Avranches (1842), Histoire géologique (…) du Mont-Saint-Michel (1843), Histoire du Mont-Saint-Michel, comme prison d’État (1849), Histoire de la révolution de 1848, Mystères du grand monde, Histoire (…) de la guerre d’Italie (1859), L’Histoire du Second Empire (1861). [j’ai raccourci les titres pour clarté, Cf ici pour la liste de ses écrits].

Ses textes font encore référence : un historien me disait encore récemment l’avoir cité comme source dans une publication.

Nous distinguons plusieurs axes dans ses travaux : histoire locale, histoire maritime, histoire récente et politique, histoire anecdotique .

Histoire locale

Le Mont-Saint-Michel et sa Baie, l’Avranchin…
En plus de ses deux monographies sur le Mont-Saint-Michel, il revient sur l’Histoire du Mont et de sa baie à chaque fois qu’il en a l’occasion, dans ses articles, ses préfaces… Il explique sa géologie, que cette baie était autrefois une forêt (la forêt de Sissy) et qu’elle fût un jour envahie par les eaux, transformant cette montagne en ilôt rocheux.

C’est dans cette catégorie que nous avons classé l’Annuaire d’Avranches (titre exact : Annuaire d’Avranches, première année). Ce livre se voulait un almanach annuel, mais sur 349 pages de texte, il y en a 190 sur l’Histoire d’Avranches : plus de la moitié ! Le reste est un guide du voyageur (18p), un annuaire (58p), un calendrier (32p) et des éphémérides (51p) qui ne sont autres que des listes d’anecdotes historiques survenues sur des dates de calendrier ! C’est donc avant tout un livre d’Histoire. D’ailleurs, il ne fera jamais les années suivantes…

Dans ses analyses de l’Histoire lointaine, il rejette les chroniques des faits merveilleux et autres miracles qu’il retrouve régulièrement dans les sources qu’il consulte. En réaction aux récits de loups portant des aliments à des hermites, ou d’un archange ordonnant à l’évêque Aubert de construire un monument sur le roc de Mont, il écrit : « nous, à qui notre caractère d’historien fait de la recherche de la vérité un devoir, abandonnant au poète les merveilles des chroniques, nous nous efforcerons de dépouiller les faits de leur voile religieux. ».
Si vous vous souvenez de livres scolaires racontant que Jeanne d’Arc est allé libérer le royaume de France après avoir entendu les voix de l’archange saint Michel, c’est peut-être que nous n’avions pas assez d’Historien ayant cette attitude.

Il est secrétaire de la société d’archéologie d’Avranches. Il contribue à leur revue, à leurs réunions. Nous avons retrouvé un « Mémoire sur le camp romain, dont les ruines couronnent la hauteur dite “le Chatellier”, dans la commune du Petit-Celland » (1842). Nous n’avons pas de doute qu’il a dû être un grand contributeur, ses articles restent à retrouver…

C’est à titre d’historien, archéologue spécialiste du Mont-Saint-Michel qu’il peut s’en approcher, y circuler, et échanger avec les prisoniers politiques (Le Mont est alors une prison d’État, voir plus loin sur ce sujet).

Histoire maritime

Il contribue abondament, comme nous l’avons vu, aux revues de marine, se spécialisant dans les récits de tempête, naufrages, drames maritimes.

Ses Chroniques de la marine française couvrent en détail l’histoire de la marine : les batailles, la politique, les grands évènements… de 1789 à 1848.

C’est une œuvre majeure parue en 5 volumes en 1836–1837, puis augmenté dans une réédition de 1870. En parallèle, ces chroniques étaient publiées en feuilleton dans des quotidiens (1850 dans Le Siècle). Autant dire que toute sa vie il a eu l’occasion de retravailler cette œuvre au fil des rééditions successives (la version de 1870 est environ quatre fois plus longue que cette de 1836 !).

Dans ses articles, il parle encore de l’Hitoire de la marine : au temps des Gaulois, des Francs, des Vikings (les Normands), sous l’ancien régime

Histoire récente et politique

Girard était aussi un homme politique engagé, et il déploie ses talents d’historien sur l’histoire récente, pour raconter et analyser les évènements récents.

Le Mont-Saint-Michel prison d’État (titre complet Histoire du Mont-Saint-Michel, comme prison d’État, avec les correspondances inédites des citoyens : Armand Barbès, Auguste Blanqui, Martin-Bernard, Flotte, Mathieu d’Épinal, Béraud, etc.) a été écrit en 1849, c’est à dire après la fin de la monarchie de juillet. Il commence par retracer l’histoire du Mont en tant que prison, puis, lorsqu’il arrive à la monarchie de juillet, il se retrouve à raconter les injustices et les misères des prisonniers qui sont aussi ses amis, avec lesquels, raconte-t’il, il eut une correspondance secrète et organisa des tentatives d’évasion.

Ce livre concentre Histoire récente, Histoire locale, aventures, militantisme républicain…

Nous n’avons pas pu consulter son Histoire démocratique de la révolution de février 1848 ni son (attention titre à tiroir) Histoire générale anecdotique, pittoresque… de la guerre d’Italie, contenant toutes les pièces officielles, notes et documents authentiques… par Fulgence Girard et continuée jusqu’à la paix de Zurich par Th. Viéville.

Lorsqu’il écrit son Histoire du Second Empire, tome I, en 1861, il est en plein dedans. C’est comme si quelqu’un écrivait aujourdhui l’Histoire de la 5e république (je trouve une poignée d’Histoires de la 5e République dans le catalogue de mon libraire, donc c’est dire si ce n’est pas original).

Histoire anecdotique

Après avoir ventilé ses livres dans les trois catégories identifiées, il me reste les Mystères du grand monde, histoire des palais, prisons d’État, abbayes, salons, etc.. Monstre en huit volumes sur trois ans. Ce livre est d’une lecture délicieuse, Girard nous raconte multitude de faits croustillants. Bien que seul dans sa catégorie, ce livre n’est pas un accident, il dénote de la volonté de l’historien ne ne rien nous faire manquer de ce qui s’est passé alors. L’Histoire anecdotique suinte dans ses autres œuvres commes nous l’avons vu ; il y a un soin du détail et des petites histoires qui transparaît, notament les Chroniques et ses articles dans les revues. Quelques années plus tôt, l’Annuaire d’Avranches contenait déjà 51 pages d’éphémérides, c’est à dire d’évènements historiques datés du jour.

Girard et les républicains sociaux


La profession de foi de Girard pour les élections de 1848 (cliquez pour zoomer).
Girard soutient le mouvement ouvrier et les sociétés des droits de l’homme sous la Monarchie de Juillet.

La société de l’époque voit la condition ouvrière se détériorer sous l’effet de l’exode rural et des conditions de vie toujours plus difficiles, liées aux prémices de la révolution industrielle, ce qu’on appellera le paupérisme. Divers mouvements ouvriers luttent contre ces conditions.
En même temps des partisans républicains non satisfaits de l’évolution de la politique française à l’issue de la révolution de juillet (les Trois Glorieuses, qui ont remplacé Charles X par Louis-Philippe), épris d’aspirations libérales, égalitaires, forment des sociétés secrètes, dont certaines à buts révolutionnaires.
Sous la poussée de ces deux mouvements, la monarchie de juillet, puis plus tard la seconde république, sont secoués d’insurrections violentes, dont la première fut la révolte des Canuts à Lyon en novembre 1831.

En 1833, Girard exprime ouvertement son opposition de certaines politiques, Thiers le premier.
Il figure dans la commission de la loterie patriotique de 1834. Il contribue aux Veillées du peuple, mensuel socialiste.

Le procès des accusés d’avril

Après les émeutes d’avril 1834 (seconde insurrection des canuts lyonnais), les “accusés d’avril” sont transférés à Paris pour un “procès monstre” par une cour spéciale : la Cour des pairs. Certains détenus parisiens parviennent à s’échapper de la prison de Ste-Pélagie, grâce à la complicité de Barbès, Arago et Girard. Girard est défenseur lors de ce procès.

Armand Barbès

Certains insurgés choisissent comme conseil des personnes non inscrites au bareau, ce qui leur est refusé. En réaction et dans l’indignation générale, une lettre ouverte Aux prisonniers d’avril est publiée, co-signée par l’ensemble des défenseurs, dans laquelle la Cour des pairs à l’heur de se trouver insultée. Ceci donnera lieu à un second procès dans le procès, où seront accusés tous les défenseurs. La cour demandera à chacun, sur l’honneur, si son nom a été rajouté à son insu à cette lettre. Certains refusent de répondre, d’autres font des réponses vagues ou nient. Girard est assigné à comparaître à la Chambre des pairs le 29/05/1835 et fera la réponse suivante.

Je déclare me réunir à mes co-accusés ; je remercie M. le président de me permettre de lui dire que c’est une immoralité aux yeux de la raison de placer un homme entre son devoir et la séduction de l’intérêt ; mais cette séduction ne saurait nous atteindre, messieurs les pairs ; nous ne transigerons jamais avec notre devoir. Je le déclare pour rendre hommage à la vérité, je n’ai point signé la lettre ; je n’ai point pris part à sa publication ; je n’ai autorisé personne à la publier. Maintenant, vous devez savoir qu’aucun sentiment de crainte ne peut avoir détermpiné cette déclaration ; vous pouvez cependant me condamner.
Girard ne sera pas condamné.

L’insurrection de mai 1839 et les prisonniers du Mont-Saint-Michel

Le 12 mai 1839, les républicains de la Société des saisons, société prolétarienne qui compte alors environ 900 membres, tentent de renverser Louis-Philippe, avec parmi eux Auguste Blanqui, Armand Barbès, Martin Bernard. 400 insurgés parviennent à occuper brièvement l’Assemblée, l’Hôtel de ville et le Palais de Justice. L’opération échoue et les conjurés sont arrêtés. Armand Barbès et Martin Bernard sont jugés en juin–juillet 1839, Auguste Blanqui en janvier 1840. Blanqui, Barbès et Bernard sont ses amis. Blason actuiel de la commune du Mont-Saint-Michel : de sable à dix coquilles d’argent 4, 3, 2 et 1 ; au chef cousu d’azur, à trois fleurs de lys d’orIls seront emprisonnés au Mont-Saint-Michel en juillet 1839. Fulgence usera de son influence en tant qu’historien (secrétaire de la société archéologique d’Avranches) et journaliste (directeur du journal d’Avranches) pour les approcher. Repéré par l’administration, il ne cède pas aux intimidations ; il entretiendra une correspondance secrète avec eux, et préparera même une tentative d’évasion.

En octobre 1841, il rédige avec eux une pétition de M. Carle et Mme Augusta Carle, sœur d’Armand Barbès, qui lancera une campagne de presse sur les prisonniers politiques (Journal du Peuple, Le National, plus tard La Réforme…) qui aboutira ultérieurement (1844) à des discussions à la Chambre des députés autour de la loi sur les prisons.

À la fin de la Monarchie de Juillet, il cumule, pour faits politique, trois inculpations , et une condamnation.


Au procès de Bourges de 1849, Girard est l’un des défenseurs
La Monarchie de Juillet est renversée par la révolution de février 1848. Girard se présente aux élections qui s’en suivent.

journée du 15 mai

Les socialistes perdent les élections de 1848 ; ils refusent l’évolution politique que prend la période de transition (pas assez sociale) et tentent de prendre le pouvoir en mai 1848 (journée du 15 mai). les meneurs seront arrêtés et traduits devant la Haute Cour de Justice de Bourges du 7 mars au 3 avril 1849.

Parmi les prévenus, figurent Blanqui, Flotte, Barbès, Raspail, Blanc (contumace). Ces gens sont les amis de Girard, et il est encore parmi leurs défenseurs, cette fois-ci devant la Haute Cour de justice de Bourges, qui s’est tenue du 7 mars au 3 avril 1849.

Girard entrepreneur


F. Girard et Anger Fils, à Brouains près Sourdeval (Manche)
Fabrique de papiers mécaniques en tous genre.
Parallèlement à son activité littéraire, nous savons (recherches d’Alfred Jamaux) que Girard a une activité industrielle, étant propriétaire d’une fabrique de papiers mécaniques (une usine de papier) sur la Sée, à Brouains près de Sourdeval (le moulin de Brouains).

La presse du XIXe est une filière extrèmement active, qui fait vivre quantité d’ouvriers, en même temps qu’elle permet la diffusion de la connaissance, des idées, et l’expression démocratiques par l’apparition de revues politiques et la possibilité qu’à chacun d’en fonder une.
Il y a donc bien sûr une grande demande de papier. Le papier est fabriqué à partir d’une pâte de matériaux cellulose, que l’on peut obtenir à partir de diverses matières premières (chiffons, coton, vieux papiers, bois, et même crotin). La vallée de Brouain, ou s’écoule la rivière Séé, se spécialise dans la production de papier par l’apparition de multiples moulins à papier (j’en compte 29 sur la maquette exposée au musée de la Sée mais il y en avait une quarantaine). Ces derniers utilisaient la rivière à la fois comme source d’énergie et comme matière première dans la fabrication du papier. La matière première constituait en chiffons de coton et de chanvres, en cordages et débris de voiles en provenance des villes côtières. D’abord de Bretagnes, puis, à partir de 1835, de Granville, alimentées des voiles des terre-neuvas.

La papèterie de Girard était une des plus grandes de la Manche, avec 60 ouvriers, et avait ceci de particulier que se fabriquait là pour la première fois des feuilles sortant de rouleaux, au lieu de plaques précédemment. Mais la filière évolue. Le progrès du machinisme, l’emploi de la pâte de bois et l’isolement de la vallée concours à mettre en déclin l’implantation industrielle de la production de papier dans ce bassin. L’entreprise fait faillite en 1848. En 1861, l’usine, alors dans les mains des frères Reine, est ravagée par un incendie.

Entre 1860 et 1870 les moulins de la vallée reculent et se transforment en ateliers métalurgiques et filatures. Mais le moulin de la Sée continue néanmoins de fonctionner pour le papier jusque vers 1880, où il est alors l’une des deux dernières papèteries en activité. La famille Levallois le rachète en 1907 et le transforme en usine à soufflets industriels et domestiques. Après la seconde guerre mondiale, il est reconverti en scierie puis, en 1965, laissé à l’abandon. En 1989, le District de la Sée (Communauté de Communes du canton de Sourdeval) le rachète pour y installer l’Éco-musée du Moulin de la Sée, inauguré en mai 1996 (repérez le Moulin de la Sée sur une carte sur OpenStreetMap).


On observe ça et là, envahis par l’herbe, les restes de ces grosses machines utilisées pour la fabrication du papier.

Passage de l’eau qui, lorsqu’orientée vers la roue, génère l’énergie nécessaire à l’usine.

Une presse

Pile à maillets. L’arbre anime les maillets qui défibrent les chiffons dans ces cuves en granit. Le chiffon défibré est mélangé à l’eau pour donner la pâte à papier. Les moulins de la vallée sont restés attachés à cette technologie plus longtemps que d’autres régions qui avaient adoptée la pile hollandaise.

Presse à papier

Vue générale aujourd’hui (2009). Il y avait déjà une cheminée à l’époque de Girard, mais celle-ci, d’environ 24 mètres, a été construite vers 1907 (restaurée en 1996) pour l’évacuation des fumées de machine à vapeur de l’usine à soufflets.

Correspondance

Eugène Sue
Eugène Sue
Alexandre Dumas
Alexandre Dumas
  • Correspondance avec Jules Lecomte
    • Lettre de Jules Lecomte
      Alexandre Dumas (père) faisait partie des contributeurs de la revue Le Monde Illustré. Dans une lettre truculente à Fulgence de son ami Jules Lecomte, ce dernier raconte que Dumas, à Florence, lui était ouvertement hostile et calomniateur, au point qu’il a dû le souffleter violemment. Cette lettre a été retrouvée par Bernard Guyon Le Bouffy.
    • Lettre de Jules Lecomte en justificatif des Chroniques de la marine française, tome “République”
      Dans cette lettre, Jules Lecomte explique comment et pourquoi, bien que crédité comme co-auteur de cet ouvrage, sa collaboration ne s’est en fait limité qu’à la co-conception du projet, du caractère et du plan.
      Cliquez ici pour accéder à ce texte dans l’œuvre en ligne : Justification et introduction dans les Chroniques de la marine française, tome “République” (pp. 1 – 6).
Révolte des Canuts à Lyon, avril 1834
La Monarchie de juillet est secouée de troubles civils nombreux et violents
  • Correspondance avec les emprisonnés politiques au Mont-Saint-Michel de la Monarchie de Juillet
    Après l’insuRrection de mai 1839, les meneurs, membres de la Société des saisons sont emprisonnés au Mont-Saint-Michel. Il s’agit d’Armand Barbès, Auguste Blanqui, Martin Bernard. Flotte, Mathieu d’Épinal, Béraud, et d’autres y seront aussi emprisonnés.
    Girard est ami de Barbès, Blanqui et Bernard ; et en même temps il soutient leurs idéaux. Il entretien avec eux une correspondante secrète, qu’il racontera plus tard, avec le récit de leur incarcération, dans son livre Histoire du Mont-Saint-Michel, comme prison d’État […].
    À cette correspondance publiée il convient de rajouter la lettre suivante de Martin Bernard à Girard (1844), retrouvée par Pierre Baudrier.
Presse typographique
C’est une "civilisation de la presse" qui émerge au XIXe siècle. Littérateurs, scientifiques, hommes politiques, activistes, chefs d’entreprise se précipitent sur ce média de masse, dont le large recours à l’illustration renforce la popularité.
  • Correspondance avec les revues politiques
    Nous avons évoqué les contributions de Girard au monde de la presse des périodiques du XIXe siècle. Les débats politique se jouaient dans la presse, et Girard n’était pas en reste dans le jeu des discussions, contributions, etc.
 
  • D’autres travaux sont en cours par Maurice Meunier, sur la base de la correspondance de Girard, nous vous tiendrons au courant.
  • Dans la Revue de l’Avranchin après son décès

    Fulgence girard avait été secrétaire de la Société d’archéologie d’Avranches, qui rendait compte de ses activité dans leur périodique la Revue de l’Avrnachin. Girard est évoqué plusiers fois dans la revue durant les années 1888-1889 (tome 4), mais à deux reprises, dans les n°3 et 5, d’une manière assez nostalgique (c’est nous qui graissons) :

    Bien des fois nous avons passé le long des haies, des jardins et des champs du domaine de la Braise [devrait être La broise - NdÉ] , en Bacilly, et sans doute trop plein de la pensée de son propriétaire distingué, Fulgence Girard, et l’embellisseur de cette terre qu’il avait tant aimée, nous n’avions pas vu les arbres exotiques qu’il y avait plantés : nous y avons remarqué récemment le chêne aux feuilles finement découpées, qui est le cerris, un tulipier, des châtaigniers étrangers (août 88.)

    Bulletin de la séance du 12/07/1888 p178
    [rdla18xx.t04.1888-10-25.p178]
    Un ouvrage hist. et anecd. du plus grand intérêt, de Fulgence Girard, et peu connu, est annoncé dans le catal. d’A. compte : Mytères du Grand Monde : c’est l’hist. des palais, prisons d’Etat, abbayes, boudoirs et salons, Paris 1875, 8 vol. in-8°, illustrés par T. Johannot, etc. Qui nous fera un Fulgence Girard, la plus haute illustration littéraire, en ce siècle, dans notre pays? Il y faudrait un esprit aussi étendu que le sien, prodigieusement varié, comme il l’est depuis son Almanach d’Avranches jusqu’à son poème iambique de Sisyphe, son ouvre la plus personnelle. Il y a bien dans notre compagnie un bon littérateur qui pourrait faire cette étude, sous l’élan du devoir du sang, de la famille. Peut-être voudrait-il bien faire une moitié de Fulgence Girard, mais il n’oserait pas faire l’autre.
    Bulletin de la séance du 31/01/1889 p338
    [rdla18xx.t04.ref]
    La fin de cette note, qui figure dans le n°5 de la revue, est un appel à Mgr Deschamps du Manoir, neveu de Girard, aussi homme de lettres, lecteur et contributeur fidèle de la revue. Cette dernière évocation déclenche une réponse de la famille. Deschamps du Manoir préviens les deux filles de Fulgence : Marcelline (Mme Le Bouffy) et Marie Adrienne (Mère St-Xavier). Marcelline écrit à la Société. Deschamps du Manoir écrit une notice biographique sur Fulgence Girard qu’il communique à la Société via sa cousine Marcelline qui y rajoute une note. Une partie de la correspondance reçue à la Société est publiée. Cela commence dans le bulletin n°6 (séance de mai 1889), rubrique Chronique, correspondance, bibliograhie, juin:
    De Naples, Mgnor D. du Manoir écrit au Prés. : « Merci de votre bienveillance à mon égard. J’ai fait part à mes cousines, Mme Le Bouffy et Mère S. Xavier Girard, de votre constante sympathie pour leur père. Elles ne peuvent qu’être très touchées de vos sentiments, Comme vous le remarquez avec raison (ici esquisse biog. de F. Girard. mise à l’ordre du jour [de la séance de juillet].)… Vous assurer du plaisir que me cause la lecture de la Revue serait tomber dans une répétition monotone. « Il m’est impossible, monsieur, de vous envoyer la lettre de mon cousin sans y ajouter quelques lignes pour vous dire combien je suis touchée et profondément reconnaissante du souvenir que vous avez conservé de mon père bien-aimé. M. Le Bouffy, à Granville. »
    Bulletin de la séance du 1889-05-02, « Chronique, correspondance, bibliographie, juin », p. 405
    [rdla18xx.t04.1889-05-02.dnmdm]
    Comme promis dans le bulletin de mai, la notice biographique est à l’ordre du jour de la séance du 18 juillet, point 15. Elle est lue par M. S. Mauduit :
    15° Fulgence Girard. - M. S. Mauduit donne lecture d’une lettre de Monsignor Deschamps du Manoir sur Fulgence Girard. C’est en quelques lignes l’historique de Fulgence Girard ; son éducation première fut des plus sereines, et lui valut l’affection de Monseigneur Daniel, alors directeur du collège de Coutances ; son âge mûr l’emporta vers un pôle tout opposé ; mais, bien avant la vieillesse, il revint aux idées de son enfance. V. Revue des livres.
    Bulletin de la séance du 1889-07-18, p439
    [rdla18xx.t04.1889-07-18.fssvse]
    À cette occasion, la correspondance de Deschamps du Manoir et de Marcelline est rappelée et sommairement incluse :
    De Mgnor D. du Manoir. Napoli, juin 89. « Cher et vénéré M. le P., merci de votre bienveillance à mon égard, dont je suis fort reconnaissant. J’ai fait part à mes cousines, Mme Le Bouffy et Mère S. Xavier Girard, supérieure à l’hospice de St-Brieuc, de votre constante sympathie pour leur feu père (Fulgence Girard), et de ce que vous dites de lui dans le n°5 de la Revue, 1889. Elles ne peuvent qu’être touchées de vos sentiments. » Nota. En effet, Mme Le Bouffy, à Granville, a adressé avec effusion des remerciements au Président. « Comme vous le remarquez avec raison, deux historiens seraient presque nécessaires pour retracer en pied le portrait de mon oncle. » V. ce portrait à la Revue des livres.

    Vous assurer du plaisir que me cause la lecture de la Revue serait tomber dans une répétition monotone; Agréez M. et cher maître etc. »

    Bulletin de la séance du 1889-07-18, p. 448
    [rdla18xx.t04.ref]
    La notice intégrale est publiée dans le bulletin de la même séance (bulletin n°7), dans la Revue des livres (pp. 501-503) sous le titre Fulgence Girard, sa vie et ses œuvres [rdla18xx.t04.1889-07-18.fssvse]. Pour des raisons qui lui sont propres, Deschamps du Manoir développe particulièrement le caractère de Girard sur sa jeunesse et son éducation chrétienne et sur la partie plus tardive de sa vie, celle où il retrouve sa foi et sa ferveur religieuse, qu’il avait perdu entre temps. C’est en deux lignes (sic) qu’il évoque ses engagements poltiques. Il termine en expliquant laborieusement de quelle façon il faut regarder l’œuvre des Mytères du Grand Monde, à laquelle la revue avait donné une publicité dans le n°5, mais que le nouveau caractère de Girard rejetait.

En images

Cliquez pour agrandir.
Girard jeune Girard en maître de maison, avec la baie d’Avranches et le Mt-St-Michel en arrière plan Adrienne Desfeux son épouse


Page créée ca. 2001, par Baptiste Marcel, dernière mise à jour le 06/06/2015 AD.

Aidez à financer ce site
Images de cette page : mentions légales et copyright, suivez ce lien
-->