La pompe du pont Notre-Dame

Article de Fulgence Girard paru dans Le Monde illustré n°10, p. 11, le 20/06/1857.


À propos de cet article

Place de l’Hôtel-de-Ville, et le pont Notre-Dame et tel qu’il est depuis 1919
Place de l’Hôtel-de-Ville, et le pont Notre-Dame et tel qu’il est depuis 1919


La pompe du pont Notre-Dame.



Vue de la pompe du pont Notre-Dame, prise de l’arche du Diable. – Souvenir historique.
Vue de la pompe du pont Notre-Dame, prise de l’arche du Diable. – Souvenir historique.
Voilà un de ces établissements dont s’émerveillèrent nos aïeux qui va disparaître, et, je le reconnais de grand cœur, sans éveiller aucun regret.

Un des plus heureux changements qu’ait subis depuis un quart de siècle l’aspect de Paris, — on semble ne pas le savoir, ou du moins ne pas le comprendre assez, — c’est la transformation des bords de la Seine.

Qu’on se rappelle, si l’on a l’avantage de pouvoir reporter jusque-là ses souvenirs, ce qu’étaient, vers 1830, ces belles lignes fluviales, succession non interrompue de quais superposés en vastes gradins, d’esplanades, d’écluse et de ports que l’œil suit avec tant de charme dans leurs perspectives fuyantes ; qu’on se rappelle ces alluvions fangeuses, ces rivages dévastés, ces berges squalides, toutes ces traces d’incurie et de désordre que présentaient ces bords aujourd’hui si pittoresques ; et en admirant ces rives dont les bords gazonnés offrent à l’œil leurs bouquets d’arbres, leurs vases et leurs corbeilles de fleurs partout où le grès, le calcaire et le granit n’étendent pas leurs surfaces de pierre, on reconnaîtra la vérité de nos réflexions, la justesse de notre remarque.

La pompe élevée près du pont Notre-Dame est le seul reste de l’aspect disgracieux qu’offrait alors le cours du fleuve. Son lourd et grossier échafaudage rompt, de la manière la plus choquante, l’harmonie du nouvel aspect, où il est une dissonance, où il fait tache.

L’administration l’a compris. Cette pompe, dont l’établissement remonte au milieu du dix-septième siècle, va être remplacée, assure-t-on, par une turbine établie sur l’éperon de l’écluse du Pont-Neuf, si toutefois le nouveau mode de forage des puits artésiens ne fait préférer le système beaucoup plus économique des eaux jaillissantes.

Consacrons-lui un souvenir : Paris manquait d’eau, lorsqu’en 1670 Daniel Jolly, directeur de la pompe de la Samaritaine, proposa au corps municipal d’établir, près du pont Notre-Dame, un appareil semblable à celui dont l’administration lui était confiée, lui offrant d’élever, au prix de 20,000 livres, 30 à 40 pouces d’eau de la Seine à 80 pieds au-dessus du niveau de cette rivière. Sa proposition fut acceptée par arrêté du 26 avril 1671.

Un projet analogue fut soumis à la même époque au conseil ; Jacques Demance, son auteur, s’obligeait, pour une somme de 40,000 francs, à élever 55 pouces d’eau au moyen d’une nouvelle machine hydraulique. Ses offres furent accueillies avec la même faveur.

Les deux ingénieurs se mirent à l’œuvre. Le résultat de leur travail fut de livrer à la consommation parisienne un volume supplémentaire de 80 pouces d’eau . Les pompes, placées sur un échafaudage analogue à celui qui existe aujourd’hui, furent renfermées dans un pavillon dont la porte, dessinée par Pierre Bullet, attira surtout les regards des artistes et des lettrés. Cette porte ornée de deux bas-reliefs, chef-d’œuvre de Jean Goujon, et debris d’un édifice antérieur, portait au-dessous d’un médaillon de Louis XV une inscription en vers latins du célèbre Santeuil. Elle fut traduite en vers Français par P. Corneille.

Ces pompes, réparées à différentes époques et notamment en 1678 et en 1708, fournissent encore 70 pouces d’eau fluviale.

FULGENCE GIRARD.


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