“D’une guerre à l’autre, Marie Girard religieuse hospitalière”
par Françoise Guyon Le Bouffy
Nous sommes en Normandie en 1868 ; Marie, fille de l’écrivain granvillais Fulgence Girard, républicain notoire, choisit, à trente ans, de devenir religieuse hospitalière au sein de la Congrégation des Sours de Saint Thomas de Villeneuve.

L’ouvrage

Le point de départ fut un faire-part de décès trouvé dans les papiers de famille. Y figurait, parmi les proches, une certaine « Madame Girard, en religion Madame Saint-Xavier, Assistante Générale dans l’Ordre de Saint Thomas de Villeneuve ». Contactée par Baptiste Marcel, fils de l’auteure, la Supérieure de cette congrégation a bien voulu communiquer à la famille les éléments permettant de reconstituer la vie de Marie Girard. Cette religieuse était la jeune sœur de l’arrière-grand-mère de Françoise Guyon Le Bouffy.

C’est d’abord l’histoire d’une vie.

Marie Girard, est née à Avranches en août 1838. C’est en 1868 qu’elle découvre à l’hôpital hospice d’Avranches sa nouvelle vie de religieuse hospitalière. La guerre de 1870 l’amène à soigner, à l’hôpital d’Avranches, les combattants blessés ou malades. Lors de l’épidémie de variole de 1870-1871, elle contracte auprès d’eux cette terrible maladie qui la marquera pour la vie. La paix revenue, elle se consacre à ses fonctions d’hospitalière et dirigera plusieurs hôpitaux en Bretagne. En 1897, elle est rappelée à Pars au siège de la communauté des Sœurs de Saint Thomas de Villeneuve pour y assumer, auprès de la Supérieure, les fonctions d’Assistante Générale. Bientôt, elle devra faire face aux problèmes auxquels sont confrontées les congrégations religieuses au début de la Troisième République. À partir de 1914, à l’âge de soixante-seize ans, elle sera de nouveau au chevet de blessés, ceux de la Grande Guerre.

Un parcours en marge du modèle dominant

Dans un siècle où le destin des femmes de son milieu s’accomplit le plus souvent dans le soutien à la carrière de l’époux, l’éducation des enfants et la tenue d’une “maison”, Marie Girard choisit une toute autre voie qui va lui permettre de s’accomplir dans un destin hors du commun. En effet, devenue Sœur Saint Xavier, elle accède, année après année, aux plus hautes responsabilités au sein de sa congrégation.

Une biographie. mais pas seulement

Le parcours de Marie Girard s’inscrit dans une France tourmentée, secouée par plusieurs Révolutions et deux guerres. Les faits qui ont marqué sa vie sont aussi ceux qui ont marqué notre Histoire, de la Monarchie de Juillet à la Troisième République. Au fil du récit, sous forme d’“encadrés” à thème, l’auteure apporte un éclairage historique qui permet au lecteur de situer les faits évoqués dans un contexte parfois méconnu.

Chaque hôpital à son histoire

Sur la trace de Mère Saint Xavier, nous découvrons, page après page, l’histoire de chacun des hôpitaux dans lesquels elle exerça ses missions : Avranches, les Enfants-Malades, Moncontour, Noyon, Saint-Malo, Saint-Brieuc et enfin, pendant la guerre 14-18, les hôpitaux auxiliaires n°55 et n°287.

De l’hôtel-Dieu au centre hospitalier.

À travers les étapes et péripéties qui marquent l’histoire de chacun de ces établissements, ce que nous découvrons aussi, c’est l’histoire de l’hôpital, ou comment ont évolué au fil du temps, dans nos villes et dans nos campagnes, l’accueil et la prise en charge des pauvres et des malades.

Sommaire

I Les années de jeunesse  1838-1868
II En hôpital, au service des malades  1868-1897
III L’Assistante Générale  1897-1916
IV Les années de guerre 1914-1918
Sources bibliographiques
Postface par Jean-Claude Garnier, sociologue

Les « encadrés »

La vie de Marie Girard s’inscrit dans une période riche en évènements qui ont profondément marqué notre Histoire. Afin de resituer ces faits marquants, des notes de contexte ont été introduites sous forme d’« encadrés ». Ce principe a également été adopté pour développer certains faits étonnants et peu connus.

Ces « encadrés » sont au nombre de dix-sept, en voici la liste :

  1. Fulgence Girard fidèle à ses amis républicains
  2. Sur le travail des enfants au XIXème siècle
  3. Tomas de Villanueva
  4. Pierre Le Proust, fondateur de la Congrégation
  5. Les hôtels-Dieu, œuvre de charité
  6. 1791, les Sœurs hospitalières dans la tourmente
  7. Religieuses de Chœur et Sœurs converses
  8. L’hôpital et son exploitation agricole
  9. La prise en charge des nouveau-nés abandonnés
  10. La guerre de 1870 et l’épidémie de petite vérole
  11. La guerre de 1870, la Commune, quelques repères
  12. La misère du peuple au XVIIème siècle
  13. Les lettres patentes régissant l’hôpital de Saint-Malo
  14. Histoire de la Vierge Noire de Paris
  15. Jeanne Cornudet, une âme bien trempée
  16. Les hôpitaux auxiliaires pendant la Grande Guerre
  17. « La Croix de guerre remise à Mme la Supérieure »

À titre d’exemples, quelques uns de ces encadrés sont proposés ici en téléchargement :

Quelques extraits

Des incendies et des catastrophes naturelles ont marqué l’histoire de l’hôpital d’Avranches.

Page 71

Une incroyable succession de fléaux de toute nature a frappé l’hôpital-hospice d’Avranches en ce XIXe siècle.

Déjà en 1798 le flot d’une grande marée avait envahi les cours de l’hospice. En 1817, c’est un véritable “raz-de-marée”1 qui se fait sentir sur toutes les côtes du département. Dans son Histoire de l’hospice d’Avranches, Félix Jourdan rapporte qu’ « un flot énorme, arrivant avec une rapidité étonnante, s’étendit au loin dans les campagnes, bien au-delà des limites des plus hautes marées, déracinant les arbres, renversant les maisons, entraînant les bestiaux. Tous les meubles des appartements du rez-de-chaussée flottaient. Pendant l’hiver de 1837, des pluies torrentielles font déborder la Sée, rivière toute proche ; les prairies sont inondées : « Pendant deux dimanches consécutifs, il ne fut célébré qu’une messe basse dans l’église de Ponts ; les habitants y assistaient montés sur des bancs et accédaient à l’église en bateau. »

En mai 1849, lors d’une grande marée, un orage catastrophique et des pluies torrentielles dévastent l’hôpital ; selon le rapport de la commission administrative : « Dans un instant, toutes les cours intérieures, l’église, les dortoirs, la cuisine, l’office, la buanderie, ont été envahis par les eaux qui enlevaient tous les effets mobiliers. »

Mais ce n’était pas au sauvetage de ces objets que Madame la Supérieure et ses dignes compagnes consacraient leur énergique dévouement.

On les voyait, aidées de toutes les personnes de la maison, même de celles qui étaient encore sous l’influence de la maladie, se mettre à l’eau, et enlever des lits déjà flottants, les infirmes et les malades pour les transporter aux étages supérieurs.. Pendant ce temps, les hommes perçaient les murs pour faciliter l’écoulement des eaux. »

Certains des bâtiments ayant été très endommagés, le conseil municipal d’Avranches décide, en 1851, la rénovation des chambres et la reconstruction de la chapelle.2

En 1858, c’est un incendie qui se déclare et se propage à une vitesse effrayante. « Son foyer était si ardent, surtout dans la chapelle et dans les combles, où étaient entassés de nombreux cercueils en bois blanc, qu’il fallut, faisant la part du feu, se préoccuper uniquement des malades et des infirmes et de préserver les bâtiments contigus. Lorsque les malades, les vieillards, les infirmes et les enfants furent mis en sûreté, on s’occupa des choses mobilières. »


Notes :
  1. Dans une note explicative datée de 1984 accompagnant une carte d’Avranches, le BRGM [Bureau de Recherches Géologiques et Minières] explique qu’il existe deux types de raz-de-marée. L’un est dû à des séismes sous-marins, l’autre à la conjonction d’une onde de tempête et de la phase d’étale d’une marée de fort coefficient. Il est ajouté que la baie du Mont-Saint-Michel est particulièrement exposée à ces phénomènes, et en particulier aux périodes d’équinoxe. Il y est précisé que les derniers raz de marée importants de ce type datent de 1735 et de 1817.

  2. Ce chantier est venu s’ajouter à de nombreux autres projets menés par l’équipe municipale autour de Victor Gauquelin visant à transformer la ville d’Avranches.

Bouleversements dans la congrégation avec l’application des lois Combes

Page 179

À partir de 1899, la Troisième République se radicalise.

Succédant à Waldeck-Rousseau en mai 1902, Émile Combes, chef du nouveau gouvernement, annonce que son anticléricalisme sera militant. Plusieurs lois sont votées visant directement les congrégations : en six mois, entre les congrégations interdites et celles qui sont refusées, deux mille cinq cents communautés sont dissoutes et leurs membres expulsés des locaux qu’ils occupaient, désormais fermés. En deux ans, trois mille écoles vont être fermées. Puis, la position se durcit et la loi du 3 juillet 1904 interdit l’enseignement à l’ensemble des congrégations. Entre 1904 et 1911, on comptera mille huit cent quarante-trois nouvelles fermetures d’établissements.1

La teneur et l’application brutale de ces lois vont diviser profondément les Français et entraîner de graves conflits, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. C’est la rupture avec Rome.

Émile Combes est conduit à donner sa démission en janvier 1905.

Les mois qui suivent la démission de Combes seront marqués par de longs débats autour de la Séparation des Églises et de l’État. La loi, finalement votée le 9 décembre 1905, est condamnée par le pape Pie X. Les inventaires des biens d’Église vont s’effectuer dans un climat très conflictuel. Il faudra de nombreuses années pour trouver un certain apaisement.

Tel était le difficile contexte politique dans lequel Mère Saint Xavier prend ses fonctions d’Assistante Générale de sa congrégation.

Les religieuses de Saint Thomas de Villeneuve enseignant dans les écoles et les pensionnats vont devoir tout quitter et s’exiler à l’étranger. Mère Saint Xavier se préoccupe de leur trouver de nouveaux lieux d’implantation en Belgique, en Angleterre. ; elle les accompagne et les aide dans les difficultés de leur installation. « De retour à Paris, elle se préoccupe de tout ce qui pourrait leur être utile, ne craignant pas d’emballer elle-même les objets, de clouer les caisses, au prix de grandes fatigues. »


Notes :
  1. L’objectif est aussi de laïciser le personnel soignant. En 1902, émile Combes fait publier un décret obligeant les préfets à créer des écoles d’infirmières laïques pour remplacer les Sours hospitalières.

Août 1914, c’est la guerre

Page 221

C’est le début d’une terrible période.

Les Sours hospitalières vont à la fois prodiguer leurs soins aux soldats blessés et tenter de soulager les misères de la population civile très éprouvée. Pour pouvoir installer un hôpital auxiliaire dans leurs locaux, les Sours vont à nouveau se séparer du noviciat qui est transféré en Bretagne. Dans les locaux ainsi libérés est organisée l’ambulance N° 55. Mère Saint Xavier malgré les fatigues de son âge, elle a soixante-seize ans, va s’investir totalement dans cette nouvelle mission, durant ces cinq années de guerre, jusqu’à l’épuisement de ses forces.

Concernant ces années de guerre, voici ce qu’on peut lire dans la circulaire : « Mère Saint Xavier fut toujours une ardente patriote; son cour vibrait douloureusement au récit des souffrances et des efforts surhumains de nos braves soldats. De toute son âme elle se dévoua aux chers poilus. »

Ainsi, après vingt ans, elle retrouvait son premier métier d’hospitalière.

Un quart de lieue dans les boyaux

Page 239

Vers le printemps 1916, Mère Saint Xavier accompagne, pour quelques jours, Mère Saint Maurice à la Maison de Soissons où cette dernière est nommée Supérieure. Voici ce qu’elle écrit : Être au Front dans la zone de l’Armée, ne voir guère que des soldats dans la campagne et leurs guérites dans les champs, entendre les canons, mitrailleuses et marmites1, ce n’est pas banal. On connaît mieux la vie de nos poilus, on admire davantage leur vaillance et l’affection pour ces braves prend tout le cour. J’ai fait un quart de lieue dans les boyaux qui conduisent à nos tranchées, je connais maintenant les barrages en fil de fer, j’envie Sour Saint Maurice, je serais volontiers restée avec elle.

Gardons à l’esprit que Mère Saint Xavier a bientôt soixante-dix-huit ans !


Notes :
  1. Marmite, dans l’argot des combattants français de 14/18, désigne des projectiles allemands, en particulier les Minenwerfer, sans doute en raison de leur forme.

Quelques illustrations

Page 74 L’accueil des nouveau-nés abandonnés par les Sours hospitalières de la Congrégation des Sours de Saint Thomas de Villeneuve. Ce document provient du service des archives de la congrégation
Page 76 À l’hôpital d’Avranches, le tour, pour la dépose des enfants abandonnés, était situé à gauche de l’entrée de la chapelle ; son emplacement, obturé par une maçonnerie de facture moderne, est toujours visible. Sur cette photo, il est signalé par un pointillé.
Page 80 La guerre de 1870.

de Lonlay Dick, Français et Allemands Histoire anecdotique de la guerre de 1870-1871, Paris, Garnier Frères, 1890, vol. 5, dessins de l’auteur.

Page 80 La guerre de 1870.

Charge des 8e et 9e cuirassiers (Brigade Michel) dans la grande rue de Morsbronn (6 août 1870) [Il s’agit de la fameuse charge de Reichschoffen]

de Lonlay Dick, Français et Allemands Histoire anecdotique de la guerre de 1870-1871.

Page 98 L’allaitement des nourrissons par les ânesses à l’hospice des Enfants-Malades. L’écurie fut installée en 1880. Dessin d’après nature par M. De Haenen « L’Illustration » du samedi 9 juillet 1887
Page 132 L’édit royal de Louis XIV de juin 1662 a pour titre edit contre les faineants
Page 178 En Isère, le 29 avril 1903, l’expulsion des moines. du couvent de la Grande-Chartreuse,
À Tourcoing, une affiche signée du maire, en mars 1906, annonce qu’il sera procédé à des inventaires auxquels il est recommandé de ne pas s’opposer.
Image bien connue de protestation de villageois en 1906. Pour empêcher qu’il soit procédé dans leur église à l’inventaire prescrit par la loi, les habitants de Cominac, en Ariège, ont posté des ours devant la porte.
Page 220 En 1914, le 25 septembre, dans les locaux laissés libres par le transfert du noviciat en Bretagne, les Sours hospitalières de Saint Thomas de Villeneuve organisent une structure de soins répertoriée sous le nom d’hôpital auxiliaire ou ambulance. L’ambulance n°55, fonctionnera jusqu’au 31 décembre 1918.

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D’une guerre à l’autre, Marie Girard religieuse hospitalière

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